Il est trois heures du matin, lorsque je pars de chez mon
ami Gilles. Il ferme la porte derrière moi, je traverse
le couloir peint de blanc, dont le tapis de moquette vert
bouteille de mauvais goût m'entraîne vers l'ascenseur. Comme
à mon habitude, je suis trop fainéant pour descendre les
trois étages à pieds. Je suis pressé de rentrer chez moi,
il est tard et je ne pense plus qu'à mon lit.
La veilleuse ne reste même pas allumée le temps que j'arrive
à l'ascenseur. Tant pis, je continue dans le noir, de toute
façon c'est tout droit. J'avance les mains en avant jusqu'à
ce que je les cogne contre la porte métallique. Je cherche,
en tâtonnant, l'interrupteur sur le côté. Ca y est, je l'ai
trouvé. J'appuie sur le bouton.
J'espère que ce maudit engin ne mettra pas trois plombes
à arriver. Mais bien sûr, c'est toujours quand on a le moins
envie de l'attendre que l'ascenseur se fait désirer. Comme
si parfois on avait envie de l'attendre, tiens.
Enfin, la porte s'ouvre. La lumière qui jaillit me paraît
inhabituelle. Elle est douce, enivrante, presque divine.
Mais ce ne sont pas les vieilles ampoules pourries qui diffusent
une telle lueur. Non, c'est elle.
C'est une superbe jeune femme brune aux yeux azurs qui
m'illumine de tout son charme. Elle porte une robe noire
à boutons qui lui va à ravir. Mais son corps transformerait
n'importe quelle guenille en l'une des plus belles des créations.
Après un court instant de stupeur, je me décide à pénétrer
dans la gueule béante de la bête qui nous descendra, elle
et moi, à la base de l'immeuble avant qu'il ne nous déverse
dans la rue.
Elle me fixe du regard, puis ses lèvres bougent. Elles
sont fines, roses, bien dessinées. Elle me sourit. Son sourire
est si innocent, si franc que j'en suis presque gêné de
le lui rendre. Je baisse timidement la tête et appuie sur
le bouton qui nous enverra au rez-de-chaussée.
La machine se met en branle. Je lève de temps à autre la
tête pendant ce laps de temps qui me paraît durer une éternité.
L'ascenseur est un lieu que l'on partage souvent avec des
inconnus, mais il est pourtant si intime... Difficile de
rester dans sa bulle de protection. Nos deux espaces personnels
se frôlent de si près que cela en devient troublant. On
est mis à nu dans un ascenseur. L'autre nous y voit de tellement
près. Il nous sent, nous devine, nous aborde, nous dévisage,
nous ignore et parfois même il sifflote.
Je n'ai pas envie de siffloter. Je n'ai pas envie d'ignorer
cette fille non plus. Je la devine, mes yeux rivés au sol.
Elle m'attire, je sens son aura si sensuelle, quasi-érotique.
Et si l'ascenseur s'arrêtait ? Non, mieux ! Si je le bloquais
? Il me suffirait d'une simple pression du bouton STOP puis
je la regarderais et je saurais de suite si elle partage
les mêmes envies que moi. Mais peut-être va-t-elle avoir
peur ? Me prendre pour un fou, un violeur ? Peut-être va-t-elle
m'engueuler. Je dois me faire trop de films. Il faut que
j'arrête. Ce n'est qu'une personne comme on en croise tant
d'autres dans les cages d'ascenseur. Ni plus, ni moins.
Mais si, plus. Beaucoup plus même. Elle est si jolie, si
attirante, si désirable...
Je n'en peux plus, ma main se crispe, elle montre lentement
vers le panneau de l'ascenseur. J'appuie.
Je lève la tête, elle me regarde surprise, puis me sourit.
Partage-t-elle le même désir que moi ? Voudra-t-elle de
moi ? Je ne peux plus faire marche arrière. Je dois foncer.
Je m'approche doucement d'elle. Je tremble encore, mais
mes lèvres ont presque gagné les siennes. Mais c'est elle
qui entame la première ce baiser. Elle se jette contre ma
bouche. Nos lèvres se collent et se décollent tantôt avec
douceur, tantôt avec ardeur. Sa langue de velours caresse
la mienne dans une danse suave et langoureuse. Son parfum
m'enivre, je suis à la merci du désir.
Mes doigts caresse ses bras. Il glisse sur sa peau si délicate,
si fraîche, si... magnifiquement indescriptible.
Je la prends dans mes bras et caresse son dos. Je glisse
jusqu'à ses fesses. Elles sont merveilleuses. Moelleuses
et fermes à la fois. Je remonte lentement sa jupe.
Je suis enchanté par ses courbes arrondies et harmonieuses.
Je caresse ces monts de féminité, de temps à autre mes doigts
se perdent dans la vallée des désirs qu'elle cache sous
ce string qui offre le fessier digne d'une Vénus callipyge
à mes caresses. J'écarte ces deux globes de chair, je m'approche
de son sexe mais jamais je ne le touche. J'aimerais m'aventurer
en elle, caresser son intimité, pénétrer de mes doigts cette
grotte chaude et humide, mais nous avons le temps. Qui à
cette heure pourrait nous déranger ? Personne.
Elle suce ma langue contractée, comme une verge tendue.
Elle l'avale presque. Ses mains pressent chaque partie de
mon corps. Plus fort elle presse et plus fort se fait le
désir en moi. Nos coeurs battent à la cadence d'un train
fou qui s'élance à l'assaut du monde. Ils battent le même
rythme, accélèrent et décélèrent aux mêmes instants. Je
ne supporte plus ses gémissements, ses soupirs qui me supplient
de la prendre. Je veux la satisfaire.
Elle me devance, empoigne ma tête et la descend jusqu'à
hauteur de sa chatte. Je la sens bouillante et nerveuse.
Prête à bondir. Sans aucune élégance, avec un empressement
incontrôlable, j'ôte le dernier rempart de la demoiselle
entre son intimité et moi. Les ongles de ces mains qui,
deux secondes plus tôt, me caressaient les cheveux, s'enfoncent
à présent dans mon crâne et me dirigent contre cet antre
luisant.
Ma langue, doucement, sort de sa tanière avant de s'atteler
à l'escalade de cette paroi sinueuse et gonflée de désir.
Je glisse sur ses lèvres, j'en goûte chaque parcelle et
je me remémore le nectar des dieux. La toison évincée de
son sexe offre à sa peau une texture des plus douces et
satinées. Je resserre ses fesses entre mes mains, je les
caresse, les distends. Elle jette sa tête en arrière, meut
ses hanches et, de ses gémissements, m'ordonne de m'abandonner
à son seul plaisir. Ma langue décrit des cercles autour
de l'épicentre de sa féminité. Petit bouton que tour à tour,
je frôle ou engloutis goulûment. Je presse ma langue contre
elle, tout comme elle presse ma tête entre ses cuisses.
L'un de mes doigts parcourt le sentier qui débute en haut
de sa raie pour aller se perdre dans un jardin des plus
secrets. Je visite cette caverne aux trésors rendue moite
par les flammes du feu qui nous embrase tous deux. Un soupir
crispé s'évade de la bouche de la muse. Je n'ai encore entendu
sa voix que ses soupirs déjà m'inspirent une sensualité
débordante.
Ma langue se tend contre ce clitoris. J'appuie, je lape
comme un chaton à qui l'on aurait donné son premier lait.
Comme je vais et je viens au sommet de la zone érogène,
elle gémit de plus en plus fort. Elle grogne.
Je sens tous ses muscles se contracter, se raidir ses ongles
bien agrippés à ma tête. Elle halète, nous arrivons au point
culminant de cette caresse. Je la sens venir... l'explosion
est imminente... elle va... Ding!
La sonnette de l'ascenseur me tire de mon songe et m'avertit
que nous sommes arrivés à destination. La porte, en s'ouvrant,
éventre la cloison qui rendait cet instant si intime et
me ramène à la réalité. La déesse brune est toujours là
et toujours elle me sourit. Je me sens confus. Je n'ose
plus bouger.
Elle reste immobile. Elle est là, sourire aux lèvres. Je
ne sais pas s'il est forcé, si elle a une paralysie faciale,
ou si je lui plais, mais ce sourire me met mal à l'aise.
La lumière s'éteint. Que faire ?
Je n'ai pas le temps de trouver une réponse à cette question
que déjà je la sens tout contre moi. Elle a endossé le rôle
que je tenais dans mon fantasme. Tout comme dans celui-ci,
on s'embrasse passionnément, mais c'est elle qui tient mes
fesses entre ses mains.
Moi, je ne bouge pas, je suis tétanisé. Elle pose une main
sur ce qui gonfle maintenant entre mes jambes. Elle caresse
mon pantalon, presse aussi fort qu'elle le peut. Je suis
à l'étroit. Ma queue est devenue claustrophobe dans ce pantalon
trop serré. Mais déjà j'entends mon ange venir à la rescousse,
au son du zip de ma fermeture éclair. Elle extrait la victime
de son carcan de coton et l'enveloppe de la douceur de ses
mains comme un objet fragile et sacré à la fois. Son index
tourne autour de mon gland, puis du frein descend en une
caresse jusqu'à mes testicules dont elle s'empare d'une
pleine main, mais sans trop les presser.
Elle s'agenouille et saisit tout mon désir concentré pour
l'amener dans sa bouche. Je reste immobile. Le temps s'est
arrêté. Je flotte. Je suis submergé par une chaleur insoutenable
et pourtant si délicieuse. Je rêve ? Tout comme le chante
Calogero, je suis « en apesanteur ».
Ces lèvres si douces qui dans mon délire onirique avalaient
ma langue sont maintenant là, pour de vrai, dans le noir
de cet ascenseur, en train de me gober. Cette fille va m'aspirer
et je vais disparaître tout entier dans sa bouche, ne faire
plus qu'un avec son corps. Nos deux êtres liés jusqu'au
plus profond des sens.
Elle entame une caresse comme jamais je n'en ai reçue.
Je sens la pression sur mon gland et la boule de son piercing
sur mon frein. Quel délice. Ce soir Aphrodite s'est incarnée
et me comble de ses délices. D'une main, de son index et
son pouce, elle enserre la base de mon pénis tandis que
de l'autre elle caresse mon capital désir maintenant tout
enflé.
Elle me masturbe tout en laissant glisser sa langue sur
mon sexe aux vaisseaux prêts à exploser. Elle salive dessus.
Elle le reprend en bouche, le caresse. Elle se prépare à
l'assaut final en se lançant dans un mouvement de va et
vient de plus en plus rapide. Mon corps tout entier n'existe
plus, sauf cette partie qu'elle détient en elle. Cette partie
de moi qu'elle possède littéralement.
Je prends conscience que je respire encore, même si j'étouffe
de plaisir. C'est le sprint final. Soudain, sa bouche s'écarte,
sa main remplace ses lèvres. Je sens maintenant sa chair
contre moi. Ses fesses ? Veut-elle que la pénètre ? Que
je la sodomise ?
Non ! Ce sont ses seins ! Elle veut que je jouisse sur
ses seins !
Ses mains cadencent l'arrivée du climax. Toujours paralysé
j'explose contre ces deux sphères qui emprisonnent mon sexe.
Si je ne pouvais déjà plus bouger, je crois bien que là
je vais tomber. Nous restons encore un instant enveloppés
dans le noir puis la lumière se rallume, la porte s'ouvre.
Elle m'enlace et me dépose un délicat baiser sur la joue,
toujours ce sourire qu'arborent ses lèvres auxquelles je
suis pendu.
Elle s'en va. Elle ne se retourne pas. La porte commence
à se refermer. Dans un dernier sursaut, je me jette contre
celle-ci et supplie mon amante : « Comment t'appelles-tu
? »
Elle s'arrête net, se retourne, un regard plein de tendresse
comme jamais il ne m'a été donné d'en voir et me répond
d'une voix aussi sensuelle que j'avais pu l'imaginer : «
Sélène.»
Sélène, je t'aime.
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