TITRE : Le rêve de l'été
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Histoire avec un(e) inconnu(e)

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Il me quittait. Le sol se dérobait sous mes pieds.

Il me quittait. Il avait trouvé une autre femme, il n'éprouvait pour moi rien de plus que de la camaraderie distante.

Il me quittait. Rien dans les derniers jours me le laissait prévoir. Les fêtes de fin d'année venaient de s'achever, elles s'étaient passées sans événement notable, sans indice avant-coureur de la catastrophe qui me frappait comme la foudre.

Je me sentis bafouée par ce départ. Il y a trois ans, il avait pourtant si bien su me dire qu'il m'aimait, que j'étais la plus belle ! Je m'étais laissé convaincre. Il m'avait apporté une forme de stabilité, pas sur le plan matériel, mais sentimental, j'étais rassurée, protégée. et maintenant. seule dans cet appartement devenu trop grand, j'errai sans but, sans repères. Dehors, les guirlandes encore allumées projetaient dans les rues sombres et vides une lueur blafarde, sans chaleur.

Ce n'avait pourtant jamais été, de ma part, le grand amour, mais quelque chose de plus stable, presque prosaïque, mais qui fixait le cadre de ma vie. En l'acceptant, il me semblait que j'étais entrée dans l'âge adulte, que j'abandonnais par réalisme les rêves romanesques de jeune femme. Il est vrai que plusieurs déboires de cour, durant mes années de fac, m'en avaient détournée peu à peu, insensiblement, jusqu'à ce qu'il vienne me trouver. Peut-être est-ce pour cela que cette liaison m'avait toujours laissé un arrière-goût d'insatisfaction. Peut-être était-ce pour cela que je ne lui avais pas demandé de m'épouser, ou de me faire un enfant.

Mais étais-je seulement capable de mieux ? Je me souvenais bien de mon premier amoureux, alors que je sortais à peine de l'adolescence : quelles délicieuses angoisses n'avais-je pas éprouvées en attendant ses lettres, quelle joie si simple et pure d'y lire ses poèmes naïfs, quelle plénitude lorsque pour la première fois je m'étais donnée, totalement, sans aucune autre pensée que de l'aimer, avec une innocence jamais retrouvée depuis ! Certes, cela n'avait pas duré longtemps, mais quelle intensité par rapport à ces trois dernières années, si ternes, si paisibles. Cela cependant semblait si loin, comme s'il s'était agi de souvenirs de quelqu'un d'autre, lus dans un roman sentimental. Mon cour pouvait-il encore battre si fort ? Je me sentais si seule.

Mes amies ne partageaient guère mon désarroi. Tu as à peine trente ans, me disaient-elles en substance, ta pratique sportive régulière t'a formé un corps bien proportionné, ton abondante chevelure châtain et tes yeux bleu pâle peuvent faire chavirer n'importe quel homme, pourvu que tu montres le minimum de signes d'encouragement. Après tout, continuaient-elles, ton mec était un vrai passe-muraille (pas comme le mien, susurraient-elles perfidement), tu ne pourras que gagner au change. Certes, pensais-je, mais c'est lui qui m'avait quittée, qui m'avait trompée, sa fadeur n'en était que plus humiliante. Aucun prétendant ne se manifestait, les hommes que je pouvais côtoyer ne m'intéressaient guère. D'ailleurs, ils étaient tous visiblement heureux en ménage. Je sentais que ma situation n'évoluerait plus guère, que ma vie s'écoulerait lentement et sans éclat, avec seulement, ça et là, quelques rencontres minables et éphémères. Le pire était que je savais que j'allais peu à peu m'y habituer, l'accepter.

L'hiver passa ainsi, puis vint le printemps. Avec les beaux jours, mon moral remonta légèrement. Le soleil me faisait du bien, je trouvais dans l'éveil de la nature un dérivatif à ma mélancolie. Surtout, je sentais que quelques jours de vacances, en juillet, me seraient bénéfiques, j'allais pouvoir rompre quelque temps avec la morne succession de jours identiques. Il fallait aussi me fatiguer physiquement. Je décidai donc de reprendre une ancienne habitude de vacances, le camping à vélo. J'allais parcourir les petites routes de Dordogne, visiter les plus beaux sites, dormir à la belle étoile où je voudrais, quand je voudrais, sans aucune contrainte. Je pris un équipement minimum, et à moi la nature !

La première journée fut très prometteuse. Le soleil resplendissait, l'air tiède emplissait mes poumons de senteurs enivrantes. La nature rayonnait, à l'apogée de son cycle, je me sentais à l'unisson. A chaque nouvelle butte que je franchissais, un paysage nouveau, infiniment varié, s'offrait à mes regards. Je pédalais à un bon rythme, et, avec la chaleur qui venait, je transpirais abondamment sous mon maillot et mon cuissard que j'avais enfilés à même la peau. J'aimais cette sensation, j'aimais cette fatigue purement physique, en rien accablante, qui m'envahissait peu à peu alors que le soleil s'abaissait.

L'heure cependant avançait. Après avoir dépassé un petit château, je roulais sur une petite route forestière, mais je ne souhaitais pas arriver au village où elle menait, il m'aurait été difficile d'y trouver pour camper un endroit isolé, tranquille. Je ne savais trop que faire, lorsque je vis un petit chemin partir de la route et remonter, au milieu des bois, une petite colline. Avec un étrange sentiment de sérénité, comme si j'avais toujours su qu'il existait, je l'empruntai. Après un petit trajet, je poussai une exclamation : que c'était splendide ! Le chemin débouchait sur un promontoire dégagé d'arbres, qui offrait un magnifique point de vue sur la campagne aux alentours, illuminée par un soleil à présent bien bas, mais qui me chauffait encore le visage. Il plongeait peu à peu vers l'horizon, se paraît d'une magnifique robe rouge sang. Cette vue pourtant faisait renaître la mélancolie en moi, en la teintant d'une douceur crépusculaire. Ma vie filait comme les jours s'enfuyaient, l'été bientôt laissera place à l'automne. Un rossignol emplissait l'air parfumé de son chant plaintif et obsédant. Des souvenirs remontaient en moi, non, il ne fallait pas les laisser ternir cette belle journée. Le ciel peu à peu s'assombrissait. J'étais si lasse, la soirée était si douce ! C'était l'heure de dormir. J'ôtai pour les laisser sécher près d'un feu de camp vite allumé mes vêtements trempés de sueur, et me glissai nue dans mon sac de couchage. Mes yeux virent encore des étoiles scintiller, complices, et je sombrai dans le sommeil.

Lorsque je m'éveillai, le jour était déjà levé. Bien que le soleil fût caché par la forêt, ses rayons qui filtraient à travers les branches faisaient briller d'une douce féerie les gouttelettes d'eau qui couraient sur les toiles d'araignées et les herbes basses. Je regardais autour de moi, respirant à grandes gorgées l'air frais du petit matin, communiant avec la nature dans cette solitude.

Soudain, bien qu'aucun bruit n'ait troublé le silence de ma retraite, je sentis une présence. Je tournai la tête, il était apparu. L'homme, d'une trentaine d'années, de haute taille, était vêtu simplement mais avec une élégance qui était présente dans chacun de ses gestes. Son visage, que je voyais à contre-jour, présentait des traits d'une grande régularité, soulignée par un regard profond, un peu triste.

- Bonjour, j'espère que je ne vous réveille pas. Je ne m'attendais pas à trouver quelqu'un ici. Je passe régulièrement ici pour profiter de la vue, cela vous dérange-t-il si je vais sur le promontoire ?

- Bien sûr, ne faites pas attention au désordre.

Sa voix était grave, très douce, avec un voile mélancolique, comme une caresse : d'emblée elle dissipa mes craintes que cette rencontre impromptue, dans ce lieu solitaire, avaient fait naître. Je tenais cependant fort peu à ce que cet inconnu me vît nue, aussi, dès qu'il eut le dos tourné, j'attrapai mon sac, y trouvai un cuissard et un maillot propres que j'enfilai promptement. Mais l'homme n'avait pas bougé de son poste d'observation, et semblait s'abîmer dans la contemplation du paysage. Tout en rassemblant mes affaires, je me surpris à le regarder. Sans se retourner, il rompit le silence.

- La vue est si belle, ce matin ! Je ne crois pas pouvoir m'en lasser. Vous avez eu bon goût de vous être arrêtée ici.

- J'ai en effet passé une soirée bien sympathique ! Mais j'ai trouvé cet endroit par chance.

- Par chance, vraiment ?

En disant cela, il s'était tourné, et me regardait avec un léger sourire, dans lequel je crus déceler une pointe sarcastique.

- Mais vous avez commis une légère erreur. Ce promontoire que vous avez choisi donne sur l'ouest, et je ne peux regarder le soleil se coucher sans ressentir une irrépressible mélancolie. Les jours passent, l'été finira bientôt. Ne ressentez-vous pas la même chose ?

Il s'était approché. Ses yeux plongeaient dans les miens, et semblaient lire dans mon cour, que je sentais battre de plus en plus vite. Il se taisait, je n'entendais que sa lente et calme respiration, avec laquelle la mienne tentait par mimétisme de s'accorder. Il me fallait briser ce silence avant qu'il ne devienne trop pesant.

- Je vous offre une tasse de café ? Je m'en fais chauffer.

- Bien volontiers.

L'ombre d'une déception était perceptible dans sa réponse. Il s'en aperçut sans doute, car, pendant que je m'affairais, il enchaîna d'un ton qui se voulait dégagé.

- Je peux, si vous le souhaitez, vous indiquer un endroit, non loin d'ici, du même genre que celui-ci, mais encore plus beau, car tourné vers le levant. Avez-vous une carte ?

- Si vous voulez. Mais vous savez, j'ai l'intention de beaucoup bouger. C'est à peine si je sais dans quelle direction j'irai aujourd'hui.

Malgré ma réponse peu encourageante, il me montra l'endroit, qu'aucun signe particulier ne montrait sur la carte.

- Vous semblez bien connaître le pays.

- Et pour cause, je suis ici chez moi.

- Ah, vous êtes peut-être le châtelain ?

Il sourit franchement.

- C'est cela, en effet !

Nous bûmes notre tasse de café en silence.

- Il ne me reste plus qu'à prendre congé, et à vous souhaiter de bonnes vacances. Je vous remercie de cette charmante rencontre - et du café.

Il disparut sans bruit dans la forêt, aussi soudainement qu'il était apparu.

Je me sentais soulagée, mais aussi, étrangement, déçue. Il aurait pu rester davantage. Il venait de trouver dans son domaine une jeune femme seule et belle, et qui, ainsi interprétai-je son regard, devait lui plaire. Il aurait pu chercher à aller plus loin, je n'aurais guère pu lui en vouloir et j'aurais même sans doute apprécié ses avances, tout en les repoussant avec gentillesse. Mais il ne l'avait pas fait. Allais-je m'avouer que je le regrettais, comme je regrettais que tout à l'heure il ne se fût pas retourné pour me surprendre, nue et frissonnante, dans la clarté du matin ? Si mon esprit luttait, une douce chaleur en bas de mon ventre avouait assez que, si cet inconnu s'était montré plus entreprenant, mon corps n'aurait pas dit non.

Mais qui était-il ? Il me fallait en savoir plus. Je me remis en route, et roulai vivement vers le village. Celui-ci, typique de la région sans être spécialement remarquable, avait une assez belle église, et, devant, sur une place inondée par le soleil matinal, un bar qui venait d'ouvrir. Je m'assis à la terrasse et commandai un café. Les regards, lourds déjà d'imprégnation alcoolique sans doute plus ou moins permanente, des quelques habitués, me gênaient beaucoup. Leur lieu de perdition préféré ne devait pas souvent leur offrir la compagnie d'une jeune femme que la boisson n'avait pas avilie. Je réalisai alors que tout à l'heure, comme par hasard, le premier maillot que j'avais pris dans mon sac était le plus moulant, celui qui mettait le mieux en valeur les rondeurs de mes seins. Le silence, qui commençait à se faire lourd, fut brisé à mon grand soulagement par le patron avec le ton le plus cordial.

- A ce que je vois, mademoiselle, vous faites du camping à vélo ? On en voit assez souvent par ici.

- Je le crois bien, la région est bien jolie.

- Oh oui, et c'est certainement une façon bien sympathique de le découvrir, surtout lorsqu'on est jeune.

- Seulement, il faut faire attention où on couche, on peut faire des mauvaises rencontres. ou de bien bonnes !

Cette dernière phrase lourde de sous-entendus grivois, prononcée par un homme entre deux âges dont les joues empourprées et le nez semblable à une éponge gorgée de sang indiquaient assez bien que dans ce bar il faisait office de pilier, fut saluée par des rires gras que j'essayai de ne pas entendre. Heureusement, le patron avait eu la délicatesse de ne pas y participer. J'osai me jeter à l'eau.

- Justement, cette nuit j'ai dû, sans le faire exprès, camper dans un grand domaine, ce matin j'ai même croisé le châtelain.

- Cela m'étonnerait, dit le patron, il est vieux et malade, il ne sort pour ainsi dire plus de chez lui.

- Mais peut-être a-t-il de la famille ?

- Pas que je sache, d'ailleurs son domaine, comme vous dites, se réduit au château et à son petit parc. Toute la forêt jusqu'au village est en terrain communal. Quelle tête avait votre homme ?

Je lui fis une description rapide, en essayant de ne pas employer de termes qui auraient pu traduire que mon intérêt allait au-delà d'une simple curiosité, ne serait-ce que pour ne pas justifier les sourires goguenards des clients. Le patron demeura perplexe.

- Je ne vois pas qui ça peut être, et pourtant je connais tous les habitants du coin. Un touriste ?

- Il avait sans doute une petite idée derrière la tête !

Cette nouvelle saillie du pilier suscita l'hilarité générale. Visiblement, plus d'un ici avait « une petite idée derrière la tête », aussi, je réglai et je partis.

Un terrible sentiment de déception m'envahissait alors que je roulais à nouveau sur les petites routes, au hasard, sans but précis. Je ne me le cachais plus, l'inconnu avait su, par son apparition soudaine, sa prestance, la douceur de sa voix, réveiller en moi quelque rêverie romantique profondément enfouie depuis mon adolescence. Mais il m'avait menti, pour une raison, grossièrement suggérée par le pilier, qui n'était que trop claire. Je me sentais trahie. J'avais honte, aussi : j'aurais accepté de me donner à cet inconnu, mieux, je l'aurais désiré. Certes, il ne s'était finalement rien passé. Mais ce soulagement m'apportait une autre honte, plus perverse et plus douloureuse aussi : il n'avait rien tenté, je n'avais finalement pas su lui plaire.

Je m'arrêtai un instant sous un arbre, et pleurai à chaudes larmes. Dire que j'étais venue ici pour ne plus penser à mes déboires de cour ! Enfin, le chaud soleil de juillet me fit une nouvelle fois du bien. Je devais chasser l'inconnu de mon esprit, sinon sous la forme d'une anecdote à raconter plus tard à mes amies, évidemment sous une forme très édulcorée à laquelle je ne tarderai sans doute pas à croire moi-même. Je me remis en route, en m'imposant une cadence suffisamment soutenue pour ne pouvoir penser à rien d'autre qu'à la fatigue qui prenait mes mollets, qu'à la sueur qui coulait de ma nuque le long de mon dos, jusqu'en bas, qu'au frottement de la selle, à travers le cuissard, sur mon entrejambe. Tant pis même pour les paysages toujours aussi beaux qui défilaient devant moi, c'était une fuite.

Le soir venait, après une journée harassante. Il y avait à présent quelques nuages, une courte pluie n'était pas exclue. Heureusement, je trouvai à m'abriter dans une grotte suffisamment peu profonde cependant pour que je puisse profiter de la douceur de la nuit qui tombait. J'étais accablée de fatigue, pourtant je ne m'endormis pas immédiatement, plongeant dans une rêverie mêlée de ce demi-sommeil si propre aux hallucinations.

Il était là, une partie de mon esprit le voyait dans un brouillard, à travers mes paupières closes. Ma main descendit lentement le long de mon corps, j'aurais voulu que ce fût la sienne, c'était la sienne. Il me prenait dans ses bras, mes doigts avaient atteint mon clitoris et commençaient à le caresser. Non, c'était lui qui m'embrassait, lui dont les mains si douces faisaient sourdre une si agréable humidité au bas de mon ventre. Un de mes doigts se glissa dans mon sexe, c'était sa langue qui explorait mon intimité, il s'appliquait, j'aimais cela, je le désirais. Un autre doigt rejoignit le premier. Il me prenait enfin, ma respiration se faisait haletante, je poussais des petits cris qui montaient peu à peu, j'allais jouir. Dehors, il tomba une pluie fine, abondante et soudaine. Les pulsations de mon cour se calmaient. La pluie cessa. J'étais seule dans la grotte.

La nouvelle journée commençait avec un temps assez maussade en comparaison des jours précédents, mais sans risque de pluie. Mal reposée par ma nuit, je roulais d'abord assez lentement, puis de plus en plus vigoureusement au fur et à mesure que le soleil perçait, à nouveau chaud et généreux, chassant les nuages du ciel et de mon cour. J'allais au hasard. Mais était-ce vraiment le hasard, comme lorsque l'avant-veille, j'avais choisi le chemin forestier ? Sans que j'en eusse réellement conscience, sans qu'il y eût besoin de consulter la carte, sans même une hésitation aux intersections, et, pourtant, sans rebrousser chemin à proprement parler, je me dirigeais, avec un coup de pédale de plus en plus décidé à mesure que le paysage se faisait familier, vers l'endroit indiqué par l'inconnu. Après tout, s'il connaissait la région, ce pouvait être réellement un site à ne pas manquer. Et puis peut-être.

Alors que j'approchais du but, l'itinéraire se faisait de plus en plus compliqué, les chemins étroits. Il me fallut tout de même consulter la carte, jamais je n'aurais pu trouver sans indications. Enfin, je fus arrivée. Le site était d'une beauté à couper le souffle. Les arbres, à proximité du sommet d'une petite colline isolée, avaient laissé place à une clairière parsemée de fleurs sauvages, parmi lesquelles virevoltaient encore papillons et abeilles, et qui exhalaient, alors que la journée touchait à sa fin, un parfum subtilement délicat. La vue était splendide, plus encore peut-être que sur le promontoire, et surtout étrangement vierge de tout village ou maison, qui, même éloignés, rappellent encore dans la solitude la présence des hommes. Le silence, souligné par les chants des oiseaux qui saluaient l'arrivée du soir, au terme d'une longue et chaude journée, achevait de rendre l'ambiance solennelle, comme hors du temps. Je m'étais assise au milieu des fleurs. Je pensais à une chose, puis à une autre, sans continuité, saisie par la poésie du lieu.

- Bonsoir

Je ne fus pas surprise, mais étrangement heureuse. Je l'attendais, et il était de nouveau apparu, sans bruit. Il répondit à mon sourire.

- Vous n'êtes pas venue au rendez-vous, hier soir. Pourtant, d'une certaine façon, nous étions ensemble.

Je ne pus m'empêcher de rougir et de baisser les yeux. Il n'y avait dans sa voix aucune nuance de reproche, seulement un regret du temps qui passe. Elle n'en était que plus suave.

- Savez-vous comme vous êtes belle, ainsi, rose et fraîche comme une fleur parmi les fleurs ?

- On dirait que vous me les avez offertes !

Je ris, avec une innocence que je ne croyais ne plus avoir.

Il s'assit à côté de moi. Nous regardions la nuit tomber, sans échanger une parole qui eût pu troubler la solennité de l'heure. Derrière nous le soleil s'enfonçait sous l'horizon, allongeant nos ombres, les fusionnant avant de les dissoudre dans l'obscurité qui gagnait graduellement la vallée. L'orient se parait de couleurs violettes qui, imperceptiblement, s'assombrissaient en envahissant le ciel. Les premières étoiles s'allumèrent, et répandirent bientôt sur le sol une lumière irréelle.

L'air de la nuit commençait à fraîchir. Instinctivement, je cherchai la chaleur de l'inconnu, il m'attira doucement vers lui, me caressait tendrement la joue tout en me montrant les constellations et en me disant à l'oreille mille choses qui me charmaient comme la plus belle des musiques. Il me regardait tendrement, mes yeux l'invitèrent. Il m'embrassa, son baiser coulait dans ma bouche comme le plus fin des nectars. J'y répondis, je voulais lui rendre l'ivresse qu'il me procurait. Il m'aida à enlever mon maillot, mes seins, libérés de la pression du tissu qui s'était faite de plus en plus insupportable, jaillirent à la rencontre de sa bouche qui les prit avec délicatesse, leur procurant des sensations indéfinissables. Il semblait vouloir couvrir chaque parcelle de ma poitrine de baisers. Je me laissais faire, c'était si délicieux, la nuit était si belle ! Peu à peu, sa tête descendait sur mon ventre. Il ôta mes chaussures, puis mon cuissard. Ses mains glissaient sur mon corps, qui commençait à se cabrer, maintenant nu et livré sans défense. Ses lèvres, après avoir longuement parcouru mes cuisses en tout sens, déposèrent sur mon sexe le plus tendre des baisers. Je sentais que mon vagin, que sa langue entrouvrait avec délicatesse, s'emplissait d'une chaude humidité, qui remontait le long de ventre, faisait encore durcir la pointe de mes seins, gagnait ma gorge. Je poussai un gémissement. Sans jamais cesser de m'embrasser sur tout le corps, il s'allongea sur moi. Nos lèvres se trouvèrent, en même temps que mon sexe s'ouvrait pour accueillir son conquérant. La pénétration, si naturelle, fut pour moi comme une libération. Le sentiment de plénitude qui m'envahissait était extraordinaire. Le plaisir lançait sur moi des vagues de plus en plus hautes. Je me laissais submerger. Au-dessus de moi, les étoiles, complices de mon bonheur, me semblaient briller davantage. Les rumeurs de la nuit, le chant des grillons, le hululement des chouettes, accompagnaient dans mes oreilles les cris que je poussais à présent sans retenue, comme si, au milieu de ce sanctuaire de la nature, j'étais pour cette nuit le soliste d'une mystérieuse symphonie. Je m'abandonnais peu à peu, le temps semblait s'abolir. J'étais envahie d'un orgasme comme je n'en avais jamais connu. Mon amant inconnu m'embrassait sans relâche, sur les seins, sur la bouche, dans le cou. Je sentais contre ma poitrine battre son cour, à l'unisson du mien, de plus en plus vite. Soudain, me faisant pousser un cri encore plus fort que tous ceux qui avaient précédé, et qui, se mêlant au sien, déchira l'air de la nuit, il versa en moi une abondante semence étrangement et merveilleusement chaude.

Je repris peu à peu ma respiration, goûtant avec délices chacune de ses caresses, chacun de ses baisers. Je me blottis contre lui, une douce torpeur m'envahit. Enfin, je m'endormis dans ses bras, terrassée, heureuse.

Les premiers rayons du soleil me surprirent ainsi, allongée nue parmi les fleurs. Il avait disparu. Si les souvenirs de cette nuit n'avaient pas été si clairs dans mon esprit, si mon ventre n'était pas encore noué, presque douloureux, du plaisir qui l'avait saisi, si enfin je ne voyais pas, à l'entrée de mon sexe, des traces de semence, j'aurais pu croire que ce n'avait été qu'un rêve, un beau rêve de l'été comme en font les jeunes filles. Je ne savais pas son nom, je pressentais que je ne le reverrais pas, et, pourtant, je ne me sentais pas délaissée. Il était venu, puis il était parti. Entre-temps, il m'avait guérie. Je m'étirai, je laissai le beau soleil réchauffer mon corps. Je passai la journée à me promener dans les hautes herbes, à jouer avec les papillons, nue comme au premier jour de ma vie, comme s'il m'était donné de parcourir un monde de nouveau vierge.

Les vacances s'achevèrent dans ce sentiment d'éblouissement. Ma nouvelle vie venait de commencer.



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