Lors d'une soirée parisienne, j'avais rencontré
un personnage. Un homme à l'allure élancée, chez qui tout
respirait l'intelligence. Son regard nourrissait ses auditeurs,
ses gestes avaient quelque chose de mystérieux. Je l'avais
vu d'une main assurée donner du fouet sur le cul d'une soumise,
une grâce certaine touchait cet homme, la suppliciée en
devenait ipso facto altesse. Je savais que le Baron disposait
d'une propriété viticole dans le sud de la Touraine, à la
lisière de la forêt de Chinon, une grande habitation d'un
autre siècle, aux pierres épaisses, aux cheminées nombreuses
et à la quiétude certaine. J'avais lors de cette soirée
parisienne donner ma carte au Baron, espérant un jour recevoir
un appel. Un pressentiment de générosité chez cet homme
m'animait. Enfin, un mardi soir, au son de sa voix, je compris
tout de suite que c'était lui. Je lui expliquai alors quelles
étaient mes attentes, quelle cérémonie je souhaitais partager
avec lui. Peu loquace, il me proposa de venir le rejoindre
dans sa demeure tourangelle.
Le vendredi soir, Anne, Virginie et moi quittons la capitale
parisienne afin de rejoindre notre hôte pour le week-end,.
Je me réjouis, sachant Anne amatrice de bons vins, de châteaux
et de bonnes chairs. Nous allons vivre notre première véritable
cérémonie. Arrivé au seuil de la bâtisse, nous sommes accueillis
par une femme, grande, accorte qui prend Anne par le bras.
J'emboîte le pas aux deux femmes, Virginie s'occupant des
bagages. L'atmosphère est à la fois légère et totalement
hors du temps. La nuit déjà tombée, nous ne pouvons que
deviner l'espace. Tout semble autour de nous basculer dans
un autre temps, indéfini, ailleurs. Anne, de par son sourire
est paisible, heureuse. Virginie légère. Nous sommes dans
l'entrée, une grande pièce chaude à l'odeur de bois consumé.
La femme, Sacha, nous guide à nos chambres, à l'opposé de
l'édifice, trois chambres, personne n'a la bêtise de s'en
étonner. Quelques minutes plus tard Sacha, vient nous chercher
pour le dîner.
Nous arrivons devant une grande table de chêne, massive,
longue. Le Baron y trône. À sa droite une petite blonde
à l'allure presque juvénile, 20 ans tout au plus.
À la fin du repas, Sacha prend soin d'Anne et de Virginie,
elles partent dans une autre pièce où, très vite des éclats
de rires, des ferveurs de joie portent vers nous.
Le Baron et moi fixons les derniers détails de cette cérémonie.
Après avoir convenu du principal, me rassurant sur les qualités
de Sacha pour ce cérémonial, Clarisse, la jeunette devra
elle aussi, dans les mêmes conditions, recevoir son sacrement.
Le samedi, le Baron nous fait visiter ses propriétés, nous
déniaisant sur l'élevage des vins, nous emmenant visiter
un château proche de ses chais. Une journée sous le signe
de la quiétude, j'e suis empreint d'un authentique sentiment
de paix. Nous dînons tôt, Sacha a revêtu une splendide robe
de dentelle, tout en transparence, rendant sa présence encore
plus sensuelle. Clarisse porte une jupe noire, sage, un
chemisier en tulle de la même couleur, ses seins jeunes,
fermes, aux traits parfaits, pointent de tout leur orgueil.
Virginie, par un concours sans circonstance est rigoureusement
habillée de la même manière. Anne choisissant, dans toute
sa pudeur, de tenir son rôle, dans un cuir épais, masculin.
Le dîner touchant à sa fin, Sacha revient avec une boîte
pourpre, sortant deux colliers jumeaux. Elle posait le premier
sur le cou de Virginie, le second sur Clarisse. Un collier
en tresses de chaînes. Juste à le voir, vous pouvez sentir
tout le poids de l'objet. Sacha prend les deux demoiselles
par la main, elles disparaissent toutes trois. Je sens Anne
en paix, heureuse de ce qui va suivre. Elle n'a rien d'autre
à faire que de se laisser porter. Le Baron ayant eu de longues
conversations avec elle, je ne peux qu'être heureux de cette
situation. Sacha pointe le bout de son nez à la porte d'entrée.
-"C'est OK !"
Nous suivons Sacha, descendons un escalier large, menant
à une immense pièce aux voûtes de craie, probablement. Blanche,
éclairée avec justesse. Un sol en tomette de couleur terre
de sienne. Quatre larges fauteuils encerclant à quatre ou
cinq mètres de distance le seul pilier. Au fond une croix
de Saint André en chêne. Quelques tables basses ici et là,
la pièce doit faire dans les quatre-vingt à quatre-vingt-dix
mètres carrés, aucune sensation de vide… ici tout sonne
juste !
Les deux jeunes femmes sont au centre, mains liées dans
le dos, elles font rigoureusement la même taille, porte
les mêmes vêtements, plus jumelles que jamais.
Au mur, rangée avec exactitude, une collection de fouets,
de cravaches, d'accessoires en tout genre. Mon sac à malice
est là, déployé sur une table basse.
Sacha s'avance vers Virginie, Sacha est gracieuse, sa démarche
est féline, ses gestes raffinés. D'une main, elle dessine
les contours de Virginie, allant du cou aux
cuisses, caressant le ventre, les seins, l'aine, les hanches.
Anne a pris possession de Clarisse, les quatre femmes, deux
libres, deux liées, ne font qu'un dans ce tableau. J'aurais
à cet instant précis aimé que Botticelli en peigne la justesse.
Les caresses succèdent aux caresses, les suppliciées s'alanguissent
doucement, toujours aussi droites, Sacha et Anne sévissant
avec tendresse. Sacha défait les liens de Clarisse et la
porte vers une grande table basse. Anne caresse maintenant
Virginie, regardant le spectacle de ces deux femmes amoureuses,
Clarisse ayant disparu sous la robe. L'émotion est présente,
la sensualité plus exacerbée que jamais.
Anne fouille le sexe de sa compagne, les ondulations de
Virginie trahissent ses sensations. J'aperçois une main
glissée dans le pantalon de cuir. Anne se caresse et caresse
Virginie. Un bruit de zip, le cuir tombe à ses chevilles,
Virginie est à genoux désormais, la bouche collée au sexe
d'Anne. Sacha ondule de plus en plus. Clarisse a une main
sur son con, elle se branle avec vigueur. Sappho eut probablement
aimé cette scène !
Dans une respiration forte, Anne se laisse porter par la
langue de sa douce suppliciée. Sacha a le corps raide, Clarisse
ondule vigoureusement.
Une pause.
Clarisse nous sert un thé aux parfums raffinés, Anne rejoint
un des fauteuils, Virginie à ses pieds, Sacha enlacée au
Baron. Magie. J'ai cette envie, qu'ici, plus rien ne cesse
d'être. Arrêter le temps, vivant, plus vivant que jamais.
Sacha, avec cette facilité et grâce, prend en main de nouveaux
les événements. Elle place avec justesse les deux jeunes
femmes au centre de la pièce, l'une à côté de l'autre. Et
guide leurs jambes pour qu'elles offrent à nos yeux ces
chattes glabres, entrouvertes. Les mains dans le dos, droites,
toujours plus digne dans leurs postures. Anne est désormais
l'ordonnance de Sacha, les deux femmes sont du même monde.
-"Virginie, désormais, tu porteras sur toi les marques de
nos liens. Anne et moi avons choisi, pour toi, ce qui symbolisera
irrémédiablement notre union. Tu porteras pour toujours
ce lien en toi."
J'avançais ces phrases avec gravité, avec émotion, avec
sérénité. Anne prodigua une caresse sur le dos de Virginie,
pour lui confirmer mes propos. Le Baron parle peu dans la
soirée, son regard est des plus énigmatiques pour moi. Il
ouvre la bouche :
-"Clarisse, te voici à l'aube de tes chaînes. Tu connais
l'histoire de tes devancières, tu sais ce que nous attendons
Sacha et moi, tu peux encore ici, maintenant, exprimer ton
renoncement."
La gravité de la voix du Baron ne laisse place à aucune
plaisanterie, le silence de Sacha est plus lourd de sens
encore. Le visage de Clarisse est posé en direction du Baron,
ses yeux, fixé dans le regard du Baron, sa moue devient
spontanément plus lumineuse, elle dit :
-"Maître, Maîtresse, vous êtes mon bonheur, je veux être
votre esclave pour l'infini."
Sacha avance désormais vers Virginie, Clarisse se meut pour
voir. Nous avons choisi de bander les yeux de Virginie,
trouvant probablement que le sens des actes qui aurait eu
un sens pour Clarisse, ne peut en avoir pour Virginie. Clarisse
saura, grâce à son expérience, à sa dévotion, supporter
la vue de son propre supplice, Virginie ne vivra probablement
pas cela de la même manière. Avec un regard grave, Clarisse
regarde les préparatifs, je sens l'émotion gagner Virginie.
Sacha a fini de préparer les instruments. Gantées de latex,
elles prennent Virginie. Anne caresse avec une infinie tendresse
les seins qui pointent. Sacha porte la petite ventouse,
faisant entrer le téton dans cette bulle de verre, aspirant
pour que celui-ci y pénètre plus encore. Avec la petite
lanière de latex, un latex extrêmement fin, elle enserre
le téton. Un coton imprégné d'un produit vient glacer ce
téton pourpre. D'une main assurée, Sacha porte l'aiguille
sur la droite du téton, en son milieu, d'un geste sûr, elle
perce. Aucun mouvement de la part de Virginie, je suis ému.
Anne cautérise, puis pose l'anneau d'acier, choisi pour
ce soir. Clarisse vit désormais la même chose, sein droit
aussi, des sœurs.
L'opération est renouvelée encore deux fois. Les deux sœurs
portent désormais des anneaux aux seins. Ceux de Virginie
sont des anneaux assez fins, couleur argent, en forme de
cercle. Ceux de Clarisse sont plus épais, en forme de demi-cercle.
Sacha a visiblement un peu de mal à fermer ces anneaux,
tant ils sont complexes à fermer. Je crois qu'une fois posés,
ils ne peuvent plus jamais être retirés. C'est là, dans
l’étrangeté des accessoires, la différence de nos jeux.
Pas une goutte de sang, pas un seul moment de doute. C’était
notre première cérémonie. Je vois Virginie poser un baiser
sur la bouche d'Anne avec une infinie tendresse. Je crois
bien qu'elles se disent : "je t'aime" sans un mot ce soir-là.
Le reste du week-end est à l'image de cette extrême sensualité
qui a habité cette cérémonie, toute en langueur, entre le
réel et l'irréel. Nous sommes, le Baron et moi, très peu
sexué dans ces moments-là, laissant aux spécialistes des
sens, nous émouvoir. Les joutes entre femmes qui ont lieu
en fin de soirée, puis une bonne partie du dimanche, nous
emplissent d'un bonheur simple, souvent dépourvu de jouissance,
nous sommes des mâles absents.
J'ai souvenir d'une longue succion appliquée, généreuse
de Clarisse sur ma queue, d'une bouche aux capacités infinies.
J'ai le souvenir d'avoir regardé, non sans émotion, le Baron
honorer Sacha, il ne pouvait en être autrement. J'ai encore
cette béatitude qui, lorsque je prends soin d'Anne sur la
grande table, m'envahit. J'ai encore l'image de Virginie
convulsive sous la bouche de Clarisse, d'Anne, abandonnée
aux mains expertes de Sacha, de Clarisse, sautillant sur
les cuisses du Baron, comme une jouvencelle frivole et heureuse.
Tout semblait être juste. De cette justesse qui sied à ceux
qui aiment.
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