Debout prés de la fenêtre de sa chambre située dans l'aile
nord du château, Gabrielle brosse ses longs cheveux blonds
avec lenteur, d'un air pensif. Elle contemple en même temps
le paysage sec et aride, sans relief, avec des vignes qui
s'étendent à perte de vue, bordées ici et là par de petits
murets de pierre délimitant les plantations. Soudain, son
regard se fige lorsque la sensation revient. Cela recommence.
L'impression d'une autre présence, d'être épiée, surveillée.
Comme si des yeux intenses traversaient les murs et se fixaient
sur elle. Elle frissonne, serre instinctivement les pans
de son peignoir sous lequel elle est entièrement nue. Tout
à l'heure, sous la douche, elle a ressenti cette même sensation
étrange, et une douce chaleur lui a noué le ventre, un frisson
voluptueux qui lui a donné la chair de poule. Ce qu'il y'
a de plus incroyable dans cette impression de ne pas être
seule, c'est qu'elle ne ressent aucune peur, aucune crainte,
mais un trouble indéfinissable. Comme si l'air était chargé
d'électricité, une atmosphère sensuelle qui vous prend et
vous enveloppe dans un voile de mystère et d'érotisme latent.
Evidemment, elle ne croit pas aux fantômes ou autres événements
surnaturels, mais il faut dire que le décor s'y prête :
un domaine viticole immense et isolé, un château cathare
perdu au milieu des vignes, une impression de luxe et d'opulence
qui transpire dans la décoration intérieure, à la fois gothique,
feutrée et intime. Et il n'y a pas que cela. Ici, le personnel
est exclusivement féminin, et comme trié sur le volet :
toutes sont jeunes, jolies, et terriblement sexy. Ce qui
n'est pas pour lui déplaire.
Tout cela complète une atmosphère de sensualité, de liberté
et d'audace.
Elle en est là de ces pensées étrangement agréables lorsque
quelqu'un frappe à la porte.
- Entrez.
Elle se retourne en même temps, suivant des yeux la servante
qui entre avec un plateau qu'elle dépose aussitôt sur une
table basse en chêne massif, prés du lit. La servante se
redresse et l'observe à son tour.
- C'est bien ce que vous aviez demandé, Madame. Un verre
de jus d'orange, café, croissant sans beurre et fruits secs.
A vrai dire, Gabrielle n'a pas jeté un regard sur le plateau,
bien trop occupée à déshabiller la jolie domestique du regard.
Elle s'appelle Florence, une adorable brune aux yeux noisette
qui arbore toujours un sourire chaleureux et coquin, presque
ironique, comme si la vie lui réservait toujours des surprises.
Elle est belle, une beauté fraîche et piquante, avec un
doux visage ovale qui rayonne de gaieté, et un corps splendide,
tout en courbes harmonieuses, fines et graciles, des formes
d'adolescente presque. Gabrielle sent ses seins se durcir
et tendre le tissu du peignoir. C'est d'une voix rauque
qu'elle répond :
- Très bien, c'est parfait.
Elle s'approche d'elle, en prenant l'air le plus naturel
du monde.
Florence la laisse venir à elle sans réagir, un petit sourire
amusé sur les lèvres. Tout de fois, lorsque la femme tend
le bras pour lui toucher la joue, elle a un petit mouvement
de recul.
- N'aie pas peur, je veux juste t'arranger les cheveux.
En effet, Gabrielle lui remet en arrière des mèches rebelles
qui ne cessent de retomber sur son joli front. Florence
continue de se laisser faire lorsque, maintenant, la femme
continue de passer les mains dans ses cheveux, comme cherchant
à la recoiffer, ce genre de petit geste innocent et affectueux
qu'une femme peut avoir pour une autre femme. Mais, ensuite,
la caresse à fleur de peau sur sa nuque semble bien moins
innocente. Du bout des doigts, elle contourne son cou et
effleure sa gorge, son menton, puis le visage, et enfin
sa bouche où la caresse se fait plus précise.
- Comme tu es belle. s'extasie Gabrielle.
Le genre de phrase qu'une femme adore entendre. Et cette
douceur, cette sensualité. Tout cela l'envoûte, l'électrise.
Elle entrouvre ses lèvres lorsque Gabrielle y introduit
un doigt, allant et venant dans sa bouche avec une obscénité
mêlée de volupté. D'instinct, elle bouge la langue et suce
le doigt avec une gourmandise qu'elle ne s'était jamais
connue.
Gabrielle gémit, tremble lorsque Florence sursaute à son
tour. Le désir qu'elle perçoit dans les fascinants yeux
gris lui donne le vertige.
Florence voit s'entrouvrir ses belles lèvres pulpeuses et
respire ce mélange d'odeurs qui monte de cette splendide
femme , gel douche, shampooing et parfum épicé qui la grisent
davantage. Elle ferme les yeux lorsque la bouche humide
se presse contre la sienne, et se sent mollir lorsque la
langue se joint au doigt pour parcourir l'intérieur de sa
bouche avec une agilité déconcertante. Jamais aucune femme
ne lui avait produit un tel effet si vite. Florence se demande
avec extase si la suite va se révéler aussi éblouissante,
mais ce qui se passe ensuite ne lui donne aucune envie de
réfléchir. Gabrielle vient de la jeter sur le lit, se collant
aussitôt à elle. Elle reprend possession de sa bouche, ne
lui laissant aucun répit, comme par peur qu'elle retrouve
ses esprits.
Justement, Florence retrouve un instant sa lucidité. Elle
vient de se rappeler les ordres. Aucun contact physique,
aucun attouchement. Rien. Là, c'est mal parti. Elle risque
sa place pour ne pas avoir respecté les directives du patron.
Elle doit provoquer, allumer, mais c'est tout.
Merde, elle n'est pas un robot tout de même ! Elle a aussi
des pulsions, des envies, comme tout le monde. A force de
jouer avec le feu, on s'y brûle. Et puis, avec une autre,
elle aurait pu résister, mais pas avec cette femme qui est
le diable incarné, la tentation dans toute sa splendeur.
De toute façon, c'est trop tard. Avec une surprenante dextérité,
Gabrielle l'a déshabillée en un tour de main, et c'est nue
elle aussi qu'elle se frotte maintenant contre elle en ahanant.
Florence lui renvoie ses bonds, noue ses jambes autour des
fesses féminines, la pressant davantage contre elle pour
que leur sexe soit en contact étroit.
Déjà, son vagin est trempé, lubrifié comme jamais il ne
l'a été, alors que Gabrielle ne l'a pas encore caressé.
C'est fou, elle n'en peut plus, cette femme a le don d'enflammer
ses sens et d'éveiller des pulsions sauvages avec un art
inné qu'elle n'a jamais rencontré chez aucune autre personne.
Pourtant, elle en a eu des aventures, avec des hommes et
des femmes, des expériences souvent heureuses et plaisantes
qu'elle n'a de cesse de vouloir renouveler. Evidemment,
les plus enrichissantes sont celles qu'elle a eu avec des
femmes, c'est incomparable, et justement elle pensait ne
plus pouvoir être surprise. Ou si peu. Erreur grossière
alors que leurs mains se touchent et se croisent, partant
à découverte de leur corps impatient. Leur excitation mutuelle
les fait râler et trembler, leurs bouches continuent de
haleter l'une contre l'autre alors que les langues se nouent
et se dénouent avec une fièvre croissante. Gabrielle est
la première à glisser sa main entre les cuisses de son amante.
Florence les écarte, son extase monte alors que deux doigts
la pénètrent facilement, glissant et s'enfonçant dans son
vagin tandis que le pouce s'insinue dans sa vallée intime,
glissant tout le long, accentuant son excitation avant de
masser son clitoris qui devient dur comme un bouton de rose.
C'en est trop. L'orgasme est si rapide et violent qu'elle
crie de surprise et de bonheur. Elle se casse en deux, jouit
aussitôt une deuxième fois avec une intensité plus forte
que la première, tout simplement parce que Gabrielle a introduit
en elle un troisième doigt qui a décuplé ses sensations.
Eblouie, elle se laisse retomber sur le lit avec un soupir
d'aise. Gabrielle la bascule sur elle, s'étend bras et jambes
écartée avec une fébrilité impudique. Ses attentes sont
légitimes. Elle a donné du plaisir. Maintenant elle veut
en recevoir. Ses yeux fous, ses cheveux en bataille, son
magnifique corps luisant de transpiration, tout indique
une excitation incontrôlable qui quémande un apaisement
urgent. Florence, tout en ayant envie de satisfaire ses
désirs, hésite un instant. Jusque là, elle a transgressé
les ordres mais pourrait éviter l'irréparable en arrêtant
tout maintenant. Il n'est pas trop tard pour réparer ses
erreurs.
Son regard s'attarde sur le long corps élancé de Gabrielle,
ses mouvements sinueux, la houle qui l'agite, son ventre
qui monte et descend, sa main qui glisse entre les jambes,
frôlant le sexe mouillé et ouvert. Non, ce serait inhumain
de la laisser dans un tel état. Tant pis pour les ordres.
Après tout, personne n'en saurait rien, la salle de contrôle
et télésurveillance étant interdite puisque le patron était
absent. C'est avec autant d'impatience qu'elle se penche
donc vers son amie, s'agenouillant entre ses cuisses. Elle
lui dévore les seins, des seins qu'elle pourrait lécher
des heures tant ils sont beaux, gros et fermes. Elle ne
s'en lasse pas, les picorant avidement, tandis que sa main
droite glisse sur le ventre et s'insinue entre les cuisses.
D'abord, elle pose sa main à plat sur le triangle secret,
jouant avec les poils pubiens.
Geignant de frustration, les bras posés sur son dos, Gabrielle
est incapable de contenir les spasmes qui partent de son
bas-ventre pour l'ébranler impitoyablement, au bord de l'orgasme
mais ne pouvant se libérer car la caresse n'est pas assez
précise. En proie au délire, elle se frotte violemment contre
les doigts sur lesquels elle a tant envie de se laisser
fondre. Florence a pitié d'elle, et satisfait à sa demande.
Ses doigts parcourent enfin la fente humide, brûlante comme
de la braise, avant de se laisser aspirer par ses intimes
moiteurs. Gabrielle pousse des petits cris extasiés, agitant
convulsivement les reins et écartant davantage les cuisses
avec une souplesse étonnante, pour mieux s'ouvrir au va-et-vient
de la main active. Le ventre en feu, elle s'offre toute
entière en se tordant comme une limace prise de folie, alors
qu'elle sent un orgasme incroyable monter en elle, grossir
et s'amplifier avec une densité extraordinaire. Elle se
sent prête à être anéantie par une jouissance jamais atteinte
lorsque des coups violents sont frappés à la porte.
- Florence, viens tout de suite ! ordonne une voix féminine.
Florence se fige. Gabrielle serre les cuisses sur sa main,
la retenant et la suppliant de continuer.
- Je t'en prie, chérie, n'arrête pas.
Les coups sur la porte se font insistants. Derrière, la
voix féminine claque sèchement
- Florence, je sais que tu es là. J'entre dans deux secondes.
A l'annonce de cette menace, les deux femmes se lèvent vivement.
Complément dégrisées, elles se rhabillent avec hâte, Gabrielle
enfilant vite son peignoir avant de décider, tout compte
fait, de filer dans la salle de bain. Elle s'y réfugie en
claquant la porte derrière elle.
Brusquement, Florence se retrouve seule dans la chambre,
à moitié vêtue, lorsque la porte d'entrée s'ouvre d'un coup,
laissant surgir une petite blonde furieuse qui analyse la
situation d'un seul coup d'oil.
- Je le savais. T'es une vraie petite garce en chaleur !
siffle t- elle.
Florence lui intime le silence en désignant la salle de
bain de la tête.
La petite blonde comprend et sort tout de suite, suivie
de prés par Florence qui finit de se rajuster. La porte
est à peine fermée qu'elle se fait sévèrement réprimander.
- Merde, Flo, tu connais les ordres pourtant ! Tu ne devais
en aucun cas coucher avec elle. Juste l'allumer et la chauffer
un maximum, c'est tout.
Florence a retrouvé sa dignité et, surtout, son aplomb.
Elle sourit avec bravade.
- Pour la chauffer, crois-moi que j'ai obéi aux ordres.
Elle est chaude-brûlante la bourgeoise, un rien et elle
se liquéfie sur place.
- Comment ça ?
- Je l'ai laissée sur sa faim alors qu'elle était au bord
de l'orgasme. Je ne pouvais pas mieux faire pour l'exciter
un maximum.
- Ouais. Parce que je suis intervenue à temps, sinon vous
alliez jusqu'au bout.
- T'inquiète, je gérais très bien la situation. Dis, tu
ne diras rien au patron ?
Sur ce, elle colle la blonde contre le mur et l'enlace tendrement.
Celle-ci veut protester mais Florence la fait taire d'un
baiser fougueux.
La blonde gémit et l'embrasse à son tour, incapable de résister
aux tendres sollicitations de la langue qui la provoque
délicieusement.
Essoufflée, elle penche la tête en arrière et constate faiblement
:
- Tu es un monstre. un monstre que j'adore.
- Dis, t'es pas jalouse au moins. C'était juste pour le
boulot.
- Non, je ne suis pas jalouse. Et toi et moi on ne s'est
rien promis. Tu es libre de coucher avec qui tu veux, tu
le sais très bien.
La gravité de son expression, ses yeux humides et voix tremblante
démentent le contraire. Mais elle ne l'avouera jamais. Tomber
amoureuse d'une femme comme Florence est un avenir qui sera
toujours basé sur des trahisons et des mensonges. Douleurs,
larmes et déchirements, voilà bien ce qu'elle tient à éviter
pour tout l'or du monde.
Florence vit dans un univers d'insouciance et de liberté,
et elle avait été choisie pour toutes ces qualités. Comme
elle d'ailleurs, mais elle avait toujours été un brin sentimentale,
une faiblesse qu'elle ne pouvait pas se permettre ici, dans
ce château, où il s'en passait de drôles de choses. Aussi,
elle s'arme de détermination en se persuadant que leur relation
est juste une histoire de cul. C'est tout.
Décidée à ne plus se laisser manipuler, elle la repousse
et s'éloigne d'un pas vif. Florence la talonne. Elle est
enjouée et curieuse.
- Fanny, attends-moi. Dis, pourquoi il faut se contenter
de jouer avec les nerfs de cette femme ?
Sans se retourner, descendant rapidement les larges escaliers
qui mènent au salon, Fanny lui répond malgré tout.
- Parce que le patron veut qu'elle soit en condition de
surexcitation totale lorsque les invitées vont arriver.
Gabrielle est une redoutable croqueuse de femmes, et notre
boulot consiste justement à ce qu'elle ne puisse rien se
mettre sous la dent jusqu'ici.
- Mais pourquoi ?
- Il la réserve à Inès.
Florence s'immobilise un instant, figée par la surprise.
Elle court presque pour rattraper sa collègue.
- Inès, la romancière qui écrit des contes pour enfants.
Malgré elle, Fanny sourit.
- Non, elle écrit des bouquins à l'eau de rose pour les
hétéros Ce qui revient un peu au même.
- Mais elle n'est pas lesbienne ?
- Exact, et c'est pour ça que les ordres sont d'allumer
Gabrielle sans qu'elle puisse assouvir ses envies.
Le patron veut qu'elle couche avec Inès, et qu'elle soit
dans un tel état qu'elle ne lui demandera certainement pas
son avis pour la traîner de force dans son lit. Si vraiment
tu as laissé Gabrielle aussi affamée que ça, je pense que
rien ne l'arrêtera, elle va la dévorer tout crû la romancière
fleur bleue.
Là, Florence confirme. Gabrielle est mûre pour le viol.
Ou, du moins, prête à tout pour apaiser ses appétits démesurés.
Quelque part, elle envie la chance de cette femme écrivain.
Comme elle aimerait être à sa place !
Qu'elle le veuille ou pas, Inès va affronter un déchaînement
de perversité et de sensualité auxquels ses livres pour
hétéros coincés sont, en effet, de vrais contes pour enfants.
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