Le groupe s’arrêta après les longues heures
de marche entre les pins, au milieu de quelques rochers
de calcaires et de fougères asséchées. Le soleil était au
plus haut de la journée et la chaleur était rude. Nous marchions
comme cela depuis des semaines dans ces montagnes des Alpes,
en croisant parfois un autre bataillon, en se frottant aussi
à l’ennemi dans des embuscades, en échangeant quelques tirs.
Nous n’étions plus des hommes, mais un troupeau sans rires
ni paroles. Fatigués, exténués dans ce plein été. Sans espoir.
Nous ne savions plus où nous allions réellement et si cette
foutue guerre finirait un jour. Nous nous étions arrêtés
pour quelques heures. Le temps de manger et boire un peu,
et surtout de dormir.
Les pins nous faisaient un
large abri à l’ombre et chaque soldat avait posé son paquetage
à côté de lui pour se reposer péniblement. Je posais aussi
mon sac et mon fusil qui pesaient de plus en plus lourd
avec la fatigue. J’avais l’esprit ailleurs, les yeux dans
le vague. J’en profitais tout de même pour me lever et m’éloigner
un peu de la section au repos. Les quelques pas sans le
sac m’apportaient une liberté presque joyeuse. Je contournais
des buissons pour me camper devant un rocher et ouvrir ma
braguette. Je soulageais ma vessie en écoutant les cigales
et le rare souffle dans les arbres. Cette halte faisait
des plus grands biens, seuls dans cette nature silencieuse
et parfois hostile. Je ne voulais pas m’éloigner du bivouac
et pourtant, je me laissais guider par mes pas, sur le sol
mousseux et couvert d’aiguilles de pin sèches, au gré de
mes pensées, entre les quelques rochers et les troncs d’arbres.
Je ne savais pas depuis combien de temps j’avais quitté
mes compagnons. Peut-être à l’instant, peut-être depuis
de longues minutes déjà. Je descendis une légère pente,
bercé par quelques cris d’oiseaux et des bruissements de
feuilles.
J’aperçus soudainement un
lac derrière les buissons. Une petite étendue d’eau calme
et transparente. Le soleil faisait miroiter la surface où
se reflétait la cime des arbres. L’endroit était beau, pur,
presque oublié. Je scrutais les abords, les berges tantôt
de rochers tantôt d’herbes ou de courts roseaux. On voyait
le fond assez loin du bord. Je souris à la vue de ce petit
trou d’eau magnifique, comme s’il représentait une image
joyeuse. Je m’accroupis pour troubler la surface de ma main
et y tremper les doigts. La sensation du frais contre ma
peau me fit encore sourire. Je me sentais respirer. J’étais
heureux.
Bien sûr, la première idée
qui me vint fut de m’y baigner. Je ne m’étais pas lavé depuis
des jours, ou très rapidement au bord d’un torrent, avec
les autres gars. Et je voulais m’y détendre. Je ne savais
pas s’il me restait beaucoup de temps avant le départ de
la troupe, mais le temps semblait s’arrêter. J’avais très
envie de me baigner. J’observais encore une fois lentement
autour de moi, comme pour m’assurer que l’endroit n’était
pas troublé, comme si je n’avais pas été tout à fait sûr,
presque craintif. Puis je retirai mes lourdes bottes qui
me comprimaient les pieds, et mes chaussettes usées. Une
fois pieds nus, la satisfaction me gagnait, heureux de me
sentir libre et sans contraintes.
Je déboutonnai ma veste que
je portais à même mon maillot de corps détrempé par la sueur.
Je défis mon ceinturon presque brûlant de soleil et de fatigue
pour ensuite déboutonner mon pantalon trop lourd et rêche.
Je jetai mon maillot de corps pour retrouver torse nu à
inspirer par grandes bouffées l’air qui paraissait plus
pur. Je me sentais vivre, joyeux, tout chamboulé de pouvoir
enlever ces couches d’habits contraignants et peu adaptés
à cette chaleur intense. Il me restait mon caleçon long,
comme une carapace de laine. Et j’hésitais. Je scrutai encore
le tour du lac, les arbres, le ciel, un peu anxieux, comme
si j’avais peur d’être surpris, alors que tout était calme.
Et lentement, je baissai le seul habit qui me restait le
long des hanches, puis des genoux, pour finalement en sortir
les pieds et le poser sur mon uniforme.
J’étais nu.
Je regardais tout mon corps,
immobile, lentement, comme si je le découvrais pour la première
fois. Je me sentis frissonner, une boule au fond de la gorge
et le ventre crispé. Toute ma peau était découverte et offerte
à la caresse de l’air et du soleil. Mes paumes étaient moites.
J’observai mon scrotum qui se contractait et mon pénis qui
faisait des soubresauts, lancinant, puis qui gonflait lentement
pour se dresser. J’étais confus et j’avançai vers l’eau,
avec ce début d’érection qui me faisait rire. Mes bourses
se relâchèrent avec la chaleur, pour pendre entre mes cuisses
et les frotter doucement à chaque pas. Je rentrai dans l’eau,
tout doucement, avec un sourire figé, presque niais, en
m’aspergeant un peu le ventre et la poitrine. En remarquant
que mon sexe se relâchait, la tête en bas. Puis je me laissai
tomber délicatement dans l’onde fraîche. Ce fut un choc
de sensations. Je retins ma respiration quelques secondes,
sans mouvements, pour sentir la caresse voluptueuse de l’eau
sur la peau, sur les muscles, sous les bras, entre les jambes.
Je me mis à nager, à batifoler, fou de joie. Je dus même
rire à pleine gorge ou crier au-dessus du lac. Ma verge
se redressa au contact de l’eau et de mes mains qui effleuraient
mon corps en nageant. En faisant la planche, je bombais
volontairement les fesses pour sortir exagérément ce périscope,
fièrement dressé.
Puis je posai un pied sur
un rocher, à l’autre bout du lac, avant de reprendre mes
jeux aquatiques. Je regardais la surface se calmer après
mon passage et le silence regagna le lieu. Je me tenais
fléchi, le buste hors de l’eau, une main agrippée aux roseaux.
Et soudain, je ne sus comment
mais j’entendis un bruit anormal, paniqué. Je m’immergeai
rapidement jusqu’au cou pour observer.
Là, je vis un homme qui s’avançait
vers la rive. Il était en uniforme aussi et armé d’un fusil.
Un soldat ! Il marchait lentement en regardant le lac. Je
reconnus un Allemand ! Ma respiration était bloquée, la
peur me tenaillait le ventre et mes yeux ne le quittaient
pas. Tout à coup, il aperçut mes habits, sur la berge, en
face de lui, et il prit son fusil à deux mains, en changeant
brusquement d’attitude, en se campant sur ses jambes, à
l’affût. Il parcourut tous les alentours du regard et je
sentis au même moment une rafale brûlante me traverser le
corps.
Mais il n’y eut aucun son.
Il regardait dans ma direction
en hurlant quelque chose d’incompréhensible. Repéré, je
me levai de derrière les roseaux, l’eau dégoulinant sur
ma peau. Il s’avança doucement, les yeux écarquillés, l’air
terrifiant.
- Kom ! Kom ! Schnel ! !
Il pointait son fusil vers
moi. Il n’était plus qu’à quelques mètres. Je tremblais
de peur. Je mis un pied sur le bord, pour m’extraire de
l’eau, pétrifié.
Une longue herbe verte était
restée collée sur ma cuisse. Ma verge était encore bien
droite, alors que je ne ressentais plus la même sensation
que tout à l’heure.
Il baissa son fusil et dirigea
son canon vers mon ventre. Je remarquai qu’il esquissait
un petit sourire et il me parla.
- Ich bin Französich, ich
nicht spreche Deutsch !
J’eus du mal à sortir ces
quelques sons de ma gorge nouée. Il abaissa complètement
son fusil et son attitude n’était plus la même. Il était
détendu, relâché. Il paraissait confiant, en me souriant.
Il me parla encore mais je
ne comprenais toujours rien. Puis il défit ses bottes bien
cirées après avoir posé son arme. Il déboutonna son uniforme
et me fit comprendre avec des gestes et quelques paroles
que je pouvais retourner me baigner.
Je souris, rassuré et me
retournais dans l’eau.
Il passa sa chemise par-dessus
ses cheveux blonds et jetait le tout en boule. Il était
assez musclé et son torse bronzé luisait au soleil. Il se
déboutonna et se déshabilla complètement. Il resta un moment
nu au bord de l’eau, à s’étirer, le sourire aux lèvres.
Nous nous regardions sans échanger de paroles. Je remarquai
que son sexe grossissait en chancelant. Puis l’Allemand
s’enfonça dans l’eau en nagea un crawl parfait.
Il m’aspergea en rigolant.
Cela m’amusait aussi.
Il me poussait sous l’eau
et s’enfuyait rapidement. Nous étions deux gamins insouciants
qui profitaient des plaisirs de l’eau sans penser à tout
ce qui nous opposait, à toute l’horreur que nous avions
vécue depuis quelques mois. Puis il sortit de l’eau en s’appuyant
sur le bord avec les mains. En se penchant en avant pour
sortir, il tendit une jambe à l’extérieur et me fit voir
ainsi ses bourses entre ses cuisses, bien malgré lui. Je
le suivais et ressentis toujours cette joie d’être entièrement
nu dans l’eau.
Il sortit complètement et
alla s’allonger sur un rocher très plat au-dessus de l’eau,
en plein soleil. Il m’invitait à le rejoindre et je lui
répondis :
- J’arrive !
Mais je me sentais incapable
de sortir plus que le torse de l’eau, un peu honteux de
cette érection qui me tenaillait le bas-ventre. Je remarquais
qu’il profitait du soleil, allongé en se reposant sur ses
coudes, une jambe repliée et le sexe turgescent. Il en rigolait
d’ailleurs et je compris qu’il m’invitait à sortir, sans
me soucier de mon état. Ce que je fis finalement, en marchant
avec la verge tendue vers le haut et très confus. Je m’assis
à ses côtés en prenant soin de replier mes jambes et de
serrer mes cuisses. Nous en rigolions, en nous comprenant
malgré la langue, en échangeant aussi simplement des regards.
Il devait m’expliquer que la guerre était dure aussi pour
lui. Qu’il n’en pouvait plus ! Il n’osait pas parler de
notre rivalité, du tabou de ce combat abominable. Je compris
aussi qu’il me demandait mon prénom.
- Jean.
- Ah, ja ! « Zan », dit-il
en s’esclaffant. Et en me montrant son torse avec son index,
il me dit : « Franz ! »
Le soleil nous chauffait
la peau et nous bavardions sans véritables paroles, mais
comme des amis proches qui se retrouvent.
Nous n’avions plus peur de
nos corps. La nudité ne nous gênait pas. Nous avions surmonté
l’opposition de nos deux armées simplement en jouant et
en se baignant. Le plus naturellement du monde. Et pourtant
nous ne connaissions rien l’un de l’autre. Nous ne savions
rien et pourtant nous étions bien, au soleil, dans cette
nature sauge et déserte. Nous étions nus et seule la langue
nous différenciait. J’étais assez brun et lui était très
blond, avec des yeux clairs, presque remplis de larmes.
Le temps nous avait oubliés et nous étions dans un paradis.
Dans notre paradis. A sourire.
Franz se tourna un peu sur
le côté, toujours appuyé sur un coude. Il porta sa main
sur son torse comme pour se sécher, en me regardant. Il
avait toujours ce sourire d’un blanc éclatant, comme un
enfant.
Il saisit sa verge dressée
sans gêne. Puis il tira délicatement sur la peau pour décalotter
le gland vermillon. Nous échangions des regards muets, très
intenses, avec une émotion indicible. Je me sentais brûlant,
presque tremblotant à la vue de son sexe érigé et décalotté.
A la pointe de l’énorme gland rouge et gonflé perlait une
goutte transparente. Il referma sa main gauche sur son pénis
et remonta la peau sur le haut. Et d’un geste similaire,
il retira très loin en arrière, à la limite de la douleur.
D’une infinie lenteur, il imprimait une caresse répétitive
qui me procurait une tension incroyable de plaisir. Puis
son mouvement se fit plus rapide comme le souffle qui sortait
de ses lèvres.
Il se contracta brusquement,
tendu au maximum et poussa un râle quand une première goutte
jaillit de son sexe allongé. Il explosa en saccades sur
le rocher et sur sa cuisse dans un bonheur infini. De longs
jets blancs s’étendaient sur sa peau, sur la roche.
Je sentais cette chaleur
inexplicable, presque une gêne, dans un état second. Je
le regardais récupérer doucement, ses paupières abaissées.
Je me déplaçai un peu sur le rocher pour lui tourner le
dos et écarter largement les jambes, en ouvrant mes cuisses
sur mon membre durci, tendu à craquer. Je portais machinalement
ma main à mon sexe qui me faisait presque mal, en enveloppant
la crête vermillon de la paume, dans un soupir extatique.
Je fis un mouvement lent vers le bas, jusqu’à la base, où
je m’effleurai le scrotum de l’autre main. Puis je remontais
brusquement le long de ma verge en gémissant. Au bout de
quelques va-et-vient frénétiques et jouissifs, je sentis
l’épine du plaisir me transpercer le coccyx et remonter
entre mes fesses pour me contracter intensément et me faire
exploser dans un râle.
Je poussais avec mon bassin
à chaque saccade qui se parsemait en l’air dans un jet violent,
pour retomber sur le sol. Je ne sentais plus mes membres.
Je flottais en respirant à peine, submergé de plaisir. En
reprenant tout doucement mes esprits et en me redressant,
je remarquais que Franz avait repassé son uniforme et terminait
d’enfiler ses bottes. Il passa son fusil en bandoulière
et sans un mot me regarda longuement. Nous échangeâmes un
léger sourire rempli d’une certaine tristesse, pour nous
dire au revoir. Il tourna les talons et gravis le talus
à travers les branches et les buissons. Je le regardais
s’éloigner en pensant qu’il fallait que je rejoigne mon
unité et que peut-être nous serions amenés à nous revoir,
mais en uniforme, chacun au bout de son fusil…
Le soleil m’avait bien chauffé
les peaux et je retournai dans l’eau.
Je fis des mouvements de
brasse très lents en sentant l’eau me caresser l’entrecuisse
exagérément ouvert sur une érection naissante. Je me retournais
dans tous les sens, en m’immergeant totalement, en me caressant
le corps. Je ne voulais plus quitter cet élément de volupté.
Sous l’eau, je percevais mon corps nu et tendu. Après un
moment de nage, je regagnai le bord pour poser les pieds
sur le fond. Avec de l’eau jusqu’au torse. Je me regardais
dans l’eau qui se calmait doucement. Ma verge était encore
tendue au maximum et instinctivement, je portai ma main
autour pour me caresser. L’eau favorisait aussi cette caresse.
A force de va-et-vient le long de mon sexe dur, j’éjaculai
dans un petit cri en regardant les traînées blanches se
répandre dans l’eau.
Je me séchais, allongé au
soleil, sur le rocher, avant de repasser mes habits kaki
et de rejoindre le groupe, la tête basse.
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